Habitat Inclusif : un modèle innovant en plein essor
- Caroline Li
- 2 avr.
- 5 min de lecture

De 2014 à 2018, j'ai contribué à la mise en oeuvre et au pilotage de plusieurs habitats inclusifs à destination de personnes en situation de handicap et de personnes âgées, dans les régions Hauts de France et Auvergne Rhône Alpes.
En 2021, j'accompagnais une association dans la structuration et la phase d'initialisation d'un projet d'habitat inclusif pour personnes autistes (plus d'infos ici).
Depuis un peu plus de 10 ans, je n'ai pu que constater et m'adapter à l'évolution du cadre juridique dédié à l'habitat inclusif. Voici une synthèse des principales informations à connaître à ce jour.
L'habitat inclusif : qu'est-ce que c'est ?
L’habitat inclusif s’impose aujourd’hui comme une alternative essentielle entre le domicile classique et l’établissement. Conçu pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, ce mode d’habitat favorise le « vivre ensemble » tout en sécurisant le quotidien.
Ce type d’habitat peut prendre différentes formes : location, colocation, sous-location, propriété ; ensemble de logements autonomes avec espaces partagés, ou encore logements meublés en location dans le parc privé ou social.
Quatre dimensions sont essentielles et complémentaires dans un projet d'habitat inclusif :
- la veille et la sécurisation de la vie à domicile ;
- le soutien à l'autonomie de la personne ;
- le soutien à la convivialité ;
- l'aide à la participation sociale et citoyenne.
Lors du Comité Interministériel du Handicap (CIH) du 6 mars 2025, le gouvernement a annoncé un « chantier interministériel » pour mieux encadrer le développement de l’habitat inclusif. Une mission inter-inspections sera également lancée afin d’identifier les modèles économiques existants et d’en tirer des enseignements pour une pérennisation de ce dispositif territorial.
Une reconnaissance juridique depuis 2018
Même s'il existe depuis de nombreuses années, et qu'il s’inspire du co-habitat créé dans les années 70 dans les pays du nord de l’Europe, le cadre juridique de l’habitat inclusif a été fixé par la loi Elan du 23 novembre 2018, qui le définit comme un « mode d’habitation regroupé » assorti d’un « projet de vie sociale et partagée ».
La loi Elan, en plus de définir un cadre d’action publique clair au sein d’une politique publique dédiée à ce type de projet, sortant alors de ce qui était parfois décrit comme « bricolage social local » fixe trois critères pour l’habitat inclusif :
rassembler plusieurs personnes âgées ou adultes handicapés,
être la résidence principale de tous les occupants,
et définir un projet de vie sociale et partagée, co-construit par les habitants, leur représentant et le porteur de projet (plus d'infos dans l'Arrêté du 24 juin 2019 relatif au modèle du cahier des charges national du projet de vie sociale et partagée de l'habitat inclusif).
Concrètement, les habitants (et non les résidents, comme on peut souvent le lire) font le choix de vivre, à titre de résidence principale, dans un lieu disposant d’espaces privatifs (chambre, salle de bains ou appartement privatif) et partageant des espaces communs ainsi que des activités favorisant le vivre ensemble et luttant contre l'isolement social.
Comme le précise l'Instruction interministérielle du 4 juillet 2019 relative aux modalités de mise en œuvre du forfait pour l'habitat inclusif, "L’habitat inclusif relève du droit commun du logement et ne peut pas faire l’objet des contrôles prévus dans le cadre des ESSMS par les autorités de tarification (ARS et conseils départementaux)."
Son ancrage territorial est essentiel, impliquant collectivités, associations et autres acteurs locaux, ainsi que la proximité des services de transports, des commerces, des services publics et des services sanitaires, sociaux et médico-sociaux pour garantir le déploiement des quatre axes de l'habitat inclusif cités plus haut.
L’« aide à la vie partagée » (AVP) est un financement clé pour construire et déployer l’accompagnement et l’animation du projet de vie sociale et partagée. Ce financement demeure sous la responsabilité des départements, qui sont les chefs de file de l'habitat inclusif depuis la loi 3DS de 2021. Ils décident de son attribution en Conférence des Financeurs.
Sécurité incendie : une clarification réglementaire avec la loi Bien Vieillir
Un autre enjeu majeur concerne la réglementation en matière de sécurité incendie. Jusqu’à récemment, une incertitude subsistait quant au statut des logements en habitat inclusif : devaient-ils être considérés comme des établissements recevant du public (ERP) ou comme des bâtiments d’habitation ? Une décision du Conseil d’État en 2023 avait requalifié un habitat inclusif en ERP, soumettant ainsi ces logements à une réglementation bien plus stricte (celle de l'arrêté du 25 juin 1980).
La loi « Bien vieillir » du 8 avril 2024 est venue clarifier ce point dans son article 37 : les locaux d’habitat inclusif relèvent désormais explicitement des normes de sécurité incendie des bâtiments d’habitation (arrêté du 31 janvier 1986).
Toutefois, des règles spécifiques seront définies par voie réglementaire, afin d’adapter les exigences aux besoins particuliers des habitants, notamment en fonction de leur niveau de dépendance. Cette réglementation visera aussi à garantir la sécurité des professionnels et des services de secours intervenant dans ces logements.
Une dynamique en plein essor
L’habitat inclusif s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique forte, soutenue par un cadre juridique plus clair et une volonté politique affirmée. Les récentes évolutions réglementaires, notamment en matière de sécurité et de financement, témoignent d’une reconnaissance grandissante de ce modèle d’habitat. Néanmoins, des défis demeurent : garantir une accessibilité universelle (qui est un droit européen), assurer un financement pérenne et veiller à la qualité des projets de vie sociale et partagée.
Un habitat inclusif pour personnes autistes ?
Un projet d'habitat inclusif - même si la sortie de terre peut prendre entre 2 et 5 ans - s’inscrit dans une démarche prospective de mobilisation et de conduite du changement sur 10-20 ans. Les années qui suivent la matérialisation du projet sont toutes aussi importantes que celles précédent sa concrétisation.
Un habitat inclusif pour personnes autistes doit faire l'objet, à mon sens, d'une réflexion supplémentaire, et porter, pour donner quelques exemples, sur :
le cadre éthique : le projet respecte-t-il le fonctionnement autistique ou s'oriente-t-il vers une normalisation des habitudes de vie ? (attention au validisme ordinaire !) ;
le cadre déontologique : des personnes autistes sont-elles mobilisées pour un feed-back sur le projet ? "Rien sur nous sans nous" trop souvent oublié malheureusement.
l’autodétermination (Wehmeyer, 1996) des personnes autistes : c'est une préoccupation essentielle qui fait partie des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé ;
la notion de dignité du risque (Robert Perske, 1972) est complémentaire à celle d’autodétermination et devait être incluse dans la réflexion autour de ce type de projet qui est avant tout à une maison, de laquelle on peut sortir sans contrôle, nécessitant de sortir de la culture de la prise en charge ;
le fonctionnement sensoriel typique de l'autisme nécessite une prise en compte des besoins de la personne dans son environnement de vie, et cela s'anticipe bien en amont de la phase de construction !
La bonne nouvelle, c'est que je peux vous accompagner dans la phase d'initialisation de votre projet d'habitat inclusif (pour rappel, un projet se compose de quatre phases : (initialisation, préparation, réalisation et clôture).
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